T’as fini de bosser et tu quittes ta boutique. La lourde grille en fer se ferme dans un bruit sourd et tu t’en vas. Tu n’sais pas vraiment quoi faire de ta soirée, faut dire que Fauve s’est encore barrée, tu n’sais pas où et de toute façon tu n’le sauras pas. C’est toujours comme ça, t’as l’habitude, elle en a besoin et tu lui peux pas te permettre de lui enlever ça, t’sais bien que ça lui fera du mal, beaucoup de mal, elle en a besoin, c’est son moyen à elle de se ressourcer et tout ça. Faut dire que votre enfance n’est pas sa partie préféré, à toi non plus d’ailleurs, mais l’fait qu’elle ait toujours tout gardé pour elle n’a sûrement pas aidé. Enfin, là n’est pas la question, tu t’diriges en direction du bar parce que de toute façon, t’as pas envie d’t’enfermer chez toi. Tu pousses la porte et t’installes au comptoir tu regardes autour de toi, y a personne qu’tu connais, fin t’as pas l’impression, alors tu passes ta commande et t’attends. Quand soudain tu l’vois là-bas, ce mec tu l’as déjà vu du moins en compagnie d’Caesar alors tu t’dis que par chance il est peut-être avec lui, t’sais pas vraiment comment expliquer cet espoir. T’as envie d’te retourner le cerveau, que demain tu t’réveilleras dans un lit qu’tu n’connais pas, avec un mec que tu n’connais pas, et tu t’sentiras bien, et t’iras prendre un douche et t’iras bosser, le sourire au lèvre parce que t’as besoin de passer une soirée où tu n’te contrôles pas pour être bien. T’attrapes ton verre, lances un sourire au barman et t’approches du grand brun aux yeux bleus. « Hm, salut, caesar est pas là ? »

alors voilà, les machines lèchent le sol, le centre commercial jadis plongé dans un furieux chaos est  dévoré par le silence et moi, je suis déjà loin depuis longtemps. je traverse les rayons à une vitesse folle, rêve l'espace d'un instant de m'envoler et m'étire délicatement une fois à l'air libre. le ciel est noir, le soleil n'est plus et le centre affaire s'endors. je pourrais aussi m'endormir, sur place, sans prévenir. Je remonte mon sac un peu plus haut sur mon épaule et décolle avant même qu'on ne m'interpelle. cette journée a été la plus fade de mon existence. aucun drame, aucune surprise, même pas de quoi esquisser un sourire. il y avait ce type, planté comme une statut prêt de ma caisse, le regard sévère et le sourire en coin. il a passé la journée à attendre une connerie de ma part. comme si j'allais craquer d'une minute à l'autre et sortir de ma poche à idées de quoi animer le secteur. Alors je n'ai rien fais. Je n'ai même pas cherché à demander des nouvelles du caniche de marguerite lorsqu'elle c'est approché de moi -le moment le plus difficile de ma vie- ni quand elle a fait la moue. Mon dieu. Je pousse la porte du bar dans un grand fracas, esquisse un léger geste au regard sévère du barman et m’affale à une table, le sac en guise de compagnie. une vingtaine de minutes plus tard, je mâchouille un morceau de paille et observe religieusement une tablé lorsqu'elle m'interpelle. la voix trop douce pour être celle de Bob. caesar ? j'appuis mon menton contre ma main et l'observe un instant. amante, amie ou taupe du fbi ? je ne vois pas de qui tu parles. je me lève, me penche par dessus la table et attrape son verre. peut être même qu'il n'existe pas. comme ce verre-là, tu ne l'as jamais eu entre tes mains, il m'appartient. et je lui souris, bêtement.

Tu le regardes avec des grands yeux, tu te serais alors trompée ? T’es vraiment déçue, parce qu’aller voir un inconnu c’est un peu un effort surhumain. C’pas que t’as pas l’habitude d’aller voir les gens que tu n’connais pas, c’pas que t’espérais vraiment que caesar soit là… T’as juste envie de disparaître, parce que d’habitude t’es pas le genre de fille qui va vers les autres facilement, mais là t’avais vraiment envie de voir caesar. Est-ce qu’il est comme ces potes qui s’amusent à se moquer des filles qui côtoie les mecs d’sa bande, parce que t’as vraiment l’impression de l’avoir déjà vu en sa compagnie. Tu poses ton verre sur le comptoir et t’appuis légèrement contre. Tu n’comprends pas tellement ce qu’il te raconte là, tu jettes un coup d’œil vers ton verre, tu le regardes à nouveau le grand brun qui se dresse face à toi, tu analyses à nouveau ton verre. Tu réfléchis un instant, soit tu retournes t’asseoir avec ton verre dans un coin, parce que d’habitude tu tapes pas la conversation à quelqu’un que tu ne connais pas, tu serais presque même un glaçon, le genre de fille qui reste dans son coin sauf quand elle est imbibé. Tu bois une gorgée, t’es loin de l’être là, faut dire que la soirée commence à peine et que t’es pas sûre de savoir si elle ne va pas s’arrêter là. Au fond de toi c’est le déchirement, fuir et se cacher ou ne pas perdre la face et continuer à discuter. Tu bois une nouvelle gorgée et repose le verre, qu’il prend dans ses mains, là t’as plus tellement le choix, tu te vois pas partir en lui laissant ton verre, c’est vrai au fond tu le connais pas et ce verre tu l’as payé. « doooonc » tu continues d’observer ton verre qu’il a pris en sa possession et qu’il tient entre ses doigts, fermement. « mon verre serait le tien, au même titre que cette personne qui n’existe pas ? tu sais que c’est pas très cohérent c’que tu dis là ? »

et je cligne des yeux, avec la même grâce qu'un épileptique. je l'observe longuement, cette blonde sortie de nulle part à l'espoir ridicule. oui, c'est vrai, régulièrement, je me balade avec caesar en poche. juste au cas-où. tout le monde le cherche, tout le monde le veut. reste à voir si les raisons sont toutes louable. d'où sort-elle, que veut-elle ? pourquoi est-ce aussi évident que moi, et pas la table d’arriéré d'à côté sait où est-ce qu'on pourrait le trouver en ce moment ? (dans un bar, un lit, peut être même une prison) alors, encore et encore je la regarde, silencieux. j'apprécie son air perdu et souris à nouveau. tu ne réfléchis pas dans le bon sens. je souffle, me retiens de boire une gorgée et réfléchis un instant. c'est le moment où tu tenais ton verre entre tes mains qui n'existe pas, voir même celui où tu l'as acheté tu vois ce que je veux dire ? je fais tourner doucement l'alcool dans le verre. c'est beau, c'est enivrant. je bois. et c'est gratuit. surtout. c'est pour ça qu'il est à moi. parce qu'il n'a jamais été à toi. santé! j'avale une nouvelle gorgée et je me lève. Je contourne la table, appuis brusquement sur ses épaules, l'obligeant à s'asseoir. en un instant, je suis de nouveau face à elle, le verre toujours à la main. mon verre. plus sérieusement, pourquoi tu le cherches ? tu veux des bonbons ?