C’est assez blasant d’être là en fait. Qui veut quoi ? Le poulet avec les pâtes ? Tiens, des légumes verts pour changer. Et les gens qui font la queue pour payer le repas qui directement ira dans la poubelle quand ils sortiront de la cafétéria. Pourquoi venir si c’est pour gâcher autant. Les étudiants et leur comportement de moutons, je ne comprendrais jamais. Quoi qu’il en soit, me voilà moi, à choisir ce qui ne sera pas indigeste pour midi. On murmure à mon oreille que l’origine de la viande n’est pas vérifiée. Optons végétarien, ça ne sera pas la prochaine, ça finira probablement en habitude même. Mes amies suivent derrière. Nous n’avons qu’à nous décider où nous asseoir. Je ne sais pas ce que j’ai aujourd’hui avec l’habitude, mais ça m’agace. J’aurais dû sécher la journée pour être tranquille. J’ai pleins de chose à faire en plus, merde quelle conne. Puis les filles qui gloussent à rien, qui ne savent pas où s’asseoir. Je n’aurais jamais cru que l’Université puisse me faire sentir comme si j’étais encore au lycée, et pourtant quelque part c’est encore le cas. Bientôt, on pourra faire un teen-movie sur ma vie, vraiment blasant. Il faut s’asseoir. Faut que je m’enfuie. Elles me font chier là. Y’a Lan dans un coin, qui mange seule. Pari risqué d’aller la voir sachant que ça fait, attends, un deux trois … Ouais, bon, je tente. « Les filles, j’ai oublié, je devais voir une amie. On se voit plus tard. » Sourire hypocrite. Allez, c’est pas comme si ça n’était pas une habitude ça aussi. Je m’approche d’elle, elle ne me remarque pas. Je pose mon plateau face à elle, j’attends qu’elle lève les yeux avant de l’aborder. « Hey salut ! ça va ? ça te dérange si je mange avec toi ? » Pure rhétorique. Je suis déjà assise. J’ai presque déjà commencé mon repas. Oui, je vais vite moi. Une tactique pour qu’on me voit pas venir. « Alors ? ça va ? Tu deviens quoi ? » Un grand sourire. Ce culot, j’aurais honte plus tard.

Je louche sur mon assiette, en tapant frénétiquement ma fourchette contre le morceau de poulet. Mes haricots tirent encore plus la gueule que moi ce matin. Normalement, le lundi, je mange avec Bee. Mais mademoiselle a un oral a passé. Et vu que j'avais trop faim, j'ai jouer les solitaires du self service. Mon doigt glisse sur l'écran de mon télephone. Je souris bêtement en lisant le message d'Elias qui relate notre nuit dernière. "Tu n'as pas oublié ta culotte cette fois. Félicitations ! On se voit demain avec la bande ? ;)Bisous p'tite tête." Je m’apprêtais à lui répondre lorsqu'une une ombre s'installe dans mon champ de vision. Le bruit typique du plateau posé sur la table. Je lève les yeux.« Hey salut ! ça va ? ça te dérange si je mange avec toi ? » Solveig. J'ai l'impression que c'est une blague. Je n'ai même pas le temps de répondre qu'elle a déjà le cul posé sur le chaise d'en face, et la fourchette dans la main. J'hausse un sourcil, la mine déconfite. Je cherche du regard une table qui nous regarde, genre une pote lui a lancé un défi à la con ou je sais pas quoi. Mais je ne trouve que des étudiants passionnés par leurs plateaux repas. « Alors ? ça va ? Tu deviens quoi ? » Je repose mon regard sur elle. J'hésite entre la renvoyer foutre à 3000 kilomètres d'ici, ou bien à faire comme si de rien n'était. Je ne suis pas d'un naturel rancunier, mais là, rien que de la voir, ça m'énerve. Je le revois encore "Nia c'est allée trop vite nianianianianiania." Va te faire foutre, au pire. Je soupire bruyamment pour lui montrer qu'elle n'est pas la bienvenue, et qu'elle me gave déjà. J'affiche une sourire hypocrite et agacé. « Ça va. » A ces mots, je pique ma fourchette dans mes haricots et commence à manger, en reprenant mon occupation sur mon portable.