Mes yeux avaient du mal à s'ouvrir, c'était comme s'ils avaient décidé de se coller et de ne plus jamais s'ouvrir, comme si j'aurais été condamné à vivre dans le noir complet. En m'étirant, je sentis un corps à côté de moi et de ce que je pouvais toucher ce corps était nu, totalement nu et plutôt musclé. J'ouvris donc doucement les yeux en regardant l'inconnu à mes côtés, en essayant de me souvenir de ce que j'avais fait la veille. Je saisis mon téléphone qui était sur la table de chevet. 8h00. Je soupirais en prenant mes vêtements qui étaient au sol. Je ne pouvais pas m'empêcher de regarder l'homme qui était encore endormi dans ce lit, je me dégoûtais tellement que j'en soupirais encore et encore. En plus j'avais mal partout, un super mal de dos juste avant de commencer le boulot, génial. Je me passais de l'eau sur le visage avant de me maquiller un peu pour ne pas ressembler à un zombie. Le café non loin de moi, je pris une énorme gorgée avant de le mettre dans le thermo. Je m'attachais les cheveux, me lavais les dents pour ne pas avoir une haleine de chacal et c'était parti, je devais me rendre au taf et ça malheureusement ce n'était pas négociable, c'était grâce à ça que je pouvais payer mon loyer et surtout boire. Je descendais à pied jusqu'au paddy's market parce que c'était le jour où je tenais le stand avec une collègue de travail, elle me payait pour l'aider alors pourquoi refuser ? Mais bordel que le temps était long, j'étais assise sur la petite chaise de camping qu'elle avait apporté sur laquelle je me rongeais les ongles, toujours avec cette mine de tueuse. Quelques fois je regardais les pointes abîmées de mes cheveux roses, d'ailleurs ma couleur de cheveux devait faire fuir les gens vu le nombre de personne qui passait par le stand. C'était le désert. En même temps les sculptures en bois qu'elle vendait étaient d'une horreur que j'aurais pu vomir mes entrailles dessus. Je n'étais pas du tout motivée n'attendant que l'heure de ma pause pour enfin aller respirer et m'éloigner de ce marché de malheur. Jules, je peux pas partir plus tôt ? J'avais la voix d'une gamine impatiente et un peu chieuse avec une petite moue boudeuse pour qu'elle cède mais je faisais moins la maligne quand je vis le regard noir qu'elle venait de me lancer. Je ne l'aidais pas assise sur ma chaise, et d'ailleurs j'avais pas du tout envie de l'aider, alors voilà la solution, pourquoi ne pas me laisser partir plus tôt ? Je soupirais à son refus, attendant que le temps passe en jouant sur mon téléphone portable.

Vogue, vogue, vogue la galère. Tu sors la tête de l'eau chaude de ton bain. Tu joues un peu avec la mousse. Tu fais marcher ton index et ton majeur sur le rebord de la baignoire. La musique de ton ipod posé sur son socle, diffuse des vieux titres français, dont tu comprends pas les paroles, mais que tu écoutes depuis toujours avec amour. Edith Piaf fredonne. Tu fermes les yeux, pinces les lèvres et une nouvelle fois, tu plonges ta tête dans l'eau chaude. Tu t'essuies les yeux. Tu essaies d'attraper ta lotion avec tes orteils. Et tu penses, quelle chance j'ai eu d'avoir une chambre avec une baignoire. Chez toi, tu prenais jamais de bain, y'avait une douche, maman trouvait ça plus propre. Ça te faisait hausser les épaules, mais tu rebellais pas pour autant, ça non, quelle idée.
En sortant de ton bain, tu t'assois sur ton lit, toute nue. T'oses parce que t'es seule, mais quand même tu regardes le plafond, et à travers lui le ciel. Tu rougis, Il voit tout. Alors tu attrapes une serviette et commence à te sécher, en regardant les photos que tu as déjà punaisé partout dans ta minuscule boite à chaussure qui te sert de chambre. Mikkie et toi. Tu souris. Déjà presque une semaine que tu es arrivée et tu n'es pas allée la voir. Tu sors sa dernière lettre. Elle parle de ses petits boulots. Tu souris, encore.
Une fois habillée, tu te dis qu'aujourd'hui, tu vas la retrouver. Tu vas aller la voir et dire, surprise c'est moi. Peut-être qu'elle sera contente. Peut-être pas. Peut-être qu'elle va t'en vouloir d'être là. Peut-être qu'elle acceptera enfin de te dire pourquoi elle est partie comme ça, sans t'emmener avec elle. Toi qui a besoin qu'on te tienne la main...
Tu vas sur google maps, tu apprends le chemin par cœur. Tout droit, à gauche, tout droit, tout droit, à droite, tout droit, petite ruelle à gauche. Tu arrives dans ce marché. Tu trouves ça délicieux. Tu arpentes les stands. Tu empoignes un bibelot, tu le reposes. Tu continues d'avancer, à chaque nouveau stand, tu cherches les cheveux roses de ta grande sœur. Mais tu te dis, si ça se trouve elle les as plus. Tu secoues la tête, jamais elle aurait fait ça, et puis quant bien même elle l'aurait fait, elle t'aurait prévenue. Fut une époque ou Mikkie te disait tout, ou presque tout, tu sais qu'il y a une part d'ombre dont tu ne sauras peut-être jamais rien...
Des cheveux roses. Une tête renfrognée. Ton cœur bat fort. C'est elle, elle est là. Elle t'a tellement manqué. Tu t'arrêtes devant elle, silencieuse, plantée dans le sol, droite comme un « i ». tu souris, en attendant qu'elle te voie.

Je regardais le ciel, le sol, les autres stands et les personnes qui se baladaient tranquillement pour essayer de passer le temps. Je pouffais fort pour que ma collègue comprenne que je commençais déjà à en avoir marre de rester planter ici à attendre que les portes feuilles vides viennent squatter le stand de sculpture pour négocier des prix. Et ma collègue qui se faisait toujours avoir. Pathétique. Enfin bref, j'attendais plutôt impatiemment le moment où je pourrais enfin m'en aller respirer un air beaucoup plus pur. Travailler dans un marché tous les jours ? Plutôt me pendre. A plus dans l'bus. Il m'en fallait peu pour me retirer alors que l'heure de ma pause était enfin arrivée. La libération tout simplement. Je me levais de la chaise de camping qui me foutait le dos en compote pour me diriger dans une direction encore inconnue pour aller m'acheter un casse croûte quand tout à coup... RORY ? Ce fut un cri qui venait du coeur. Je venais tout juste de croiser le regard de cette blonde qui ressemblait étrangement... un peu... un peu beaucoup à ma petite soeur Rory. Non en réalité c'était son clone. Je me frottais les yeux pour savoir si ce n'était qu'un mirage en les reposant sur la jeune blondinette. Elle était toujours là plantée en train de me fixer. Tout simplement je venais de buguer sur cette fille. C'était pas possible que se soit Rory, elle était à Dublin avec maman donc elle ne pouvait tout simplement pas être ici en face en moi. Mais plus je me rapprochais d'elle, plus ma vision devenait trouble. C'était elle. Rory Hastings. Ici, en Australie. Putain de merde. Arrivant à son hauteur, les mains tremblantes, je regardais la miss dans les yeux attendant que mon nœud dans l'estomac disparaisse. J'étais prise de court, mais qu'est-ce qu'elle foutait là bordel ? Combien de temps elle restait ici ? Pourquoi elle était venue ? Trop de questions se posaient dans ma tête. Je laissais comme une sorte de barrière entre nous, totalement gênée de la situation. Pourquoi elle ne m'avait pas prévenue ? Elle sait que je déteste les surprises. Où elle dort le soir ? Est-ce que maman est là ? Bordel mais je ne suis pas prête à la revoir comme ça c'est.. tout simplement je ressemble à une junkie et c'est tout sauf l'image que je veux donner de moi à a Rory. Je baissais les yeux pour regarder mes fringues avant de les reposer sur la demoiselle, totalement perdue. Mais qu'est-ce que tu fous ici ? J'hésitais un moment de la prendre dans mes bras ou de lui faire la bise, je ne savais plus où me mettre. C'était bizarre et tendu comme si je n'avais pas vu Rory depuis des années. 3 ans déjà.