Ta tête te fait mal, ta tête est douloureuse. Alors les yeux toujours clos, tu portes ta main jusqu'à ton front, peut être persuadée que ce contact réussira a te calmer. Les mains ont toujours des vertus fabuleuses, c'est ce que ta mère te répétait quand gamine t'avais mal au ventre et qu'elle le caressait du bout des doigts. Ca passait toujours. Mais là ça passe pas, alors contre tu sais pas trop quoi, tu te redresses, ouvres les yeux, les refermes. Il fait encore nuit, t'as encore le temps. Pourtant, y a quelque chose qui t'embête. Parce que t'es pas chez toi, tu t'en rends bien compte. Parce qu'en plus il fait froid, et que le bruit au dehors, c'est pas celui des voitures comme à l'habitude. Sur le fauteuil, tu te redresses en faisant attention a ne pas réveiller la douleur dans ta tête. Dehors c'est beau, et ce dehors il te surprend. L'eau vient caresser le sable, et toi devant, tu te sent toute petite. T'as jamais trop aimé la mer. Depuis quelques années, tu t'appliques même a la fuir, parce que la mer s'empare des gens, que parfois même elle leurs fait du mal. Alors tu comprends pas bien ce que tu fais là, et ta beau chercher dans ta mémoire, tu te souviens de rien. La douleur dans ta tête te rappelle juste le flash des lumières de la veille. Bordel, tu déteste ça, ne pas te souvenir. Ca te fait presque peur. Alors sur le fauteuil de la voiture, tu t'agites. Tu t'agites et tu tombes sur lui, sur ce corps tellement inerte que dans un premier temps, t'as peur qu'il soit mort. Si ça se trouve, tu t'en rappelles pas mais tu l'as tué, noyée par l'alcool, t'es venue jusqu'ici (dans sa voiture à lui certainement), pour noyer son corps dans a mer. T'as un mouvement de recul, ta tête s'incline et tu l'observe quand il pousse une sorte de grognement. Le mort est vivant, et toi t'as peur que le mort se réveil. Alors tu sors de la voiture, de cette voiture trop grande et trop haut de gamme. Super, t'as récupéré un gosse de riche. Tu soupir, t'approche du capot de la voiture et te hisse dessus. De nouveau, tu cherches un souvenir, une idée de comment vous avez pu arriver ici. Le type en soit, tu t'en fiches. Par contre, même si t'as souvent entendue parler de la plage, tu sais pas comment t'en éloigner, comment rentrer chez toi. T'y réfléchiras plus tard. De la poche de ta veste, tu tires une cigarette que tu glisses entre tes lèvres avant de t'installer en tailleur sur le capot. Le temps que la cigarette se consume et tu t'en iras, tu laisseras le mort vivant tout seul, parce que le seul moyen pour que vous soyez arrivés ici, c'est qu'il vous y ai amené. Tout est de sa faute. Entre tes doigts agités par un léger tremblement, tu portes la cigarette a tes lèvres quand t'entends derrière toi la portière qui s'ouvre. Ben voilà, raté la fuite discrète. Pourtant la fuite, c'est ce que tu fais de mieux, parce que ça évite de discuter, parce que ça évite de s'engager. Sur le capot, tu te tourne vers lui. La voilà, ta certitude qu'il est vivant : ses yeux grands ouverts qui semblent aussi surpris que toi. Ca t'arrache un sourire. Bienvenue dans le monde du mal de crâne et de l'amnésie. Bonjour. T'es polie parce qu'il faut l'être, polie aussi parce que t'es curieuse. Il pourra peut être te dire ce que vous faites là, comment on part d'ici. Mais en attendant, tu reposes ton regard sur la mer, portant une nouvelle fois la cigarette a tes lèvres. La vue est belle, c'est incontestable.

T'as envie d'une bière, c'est ridicule, mais pour chasser la gueule de bois, tu voudrais de nouveau de noyer dans l'alcool.Sauf que voilà, face a toi, le seul truc qui se boit, c'est de l'eau de mer, et t'as déjà testé, c'est pas ton truc, c'est crade même. Alors de nouveau, tu soupir. T'es pas le genre a boire beaucoup, parce que tu sais que tu tiens pas bien l'alcool. Par contre, t'es le genre a traîner où il faut pas. D'ailleurs, tu te dis que ça dois être ça, que le type dans la voiture, t'as du le croiser dans un endroit étrange. Faut que t'arrête Nim. Faut que t'arrête d'échouer nul part la nuit. Parce que t'es comme ça, tu marches, tu croises un visage que tu trouves plus joli que les autres, un type dont tu tombes amoureuse pour les trente secondes qui vont suivre. C'est comme ça que tu finis nul part, en suivant des gens que tu connais pas. pas encore. « Salut charmante demoiselle. » C'est drôle, cet aplomb qu'il a. Ca te fait sourire, t'as presque envie de lui répondre, mais tu le fais pas, parce qu'il t'en laisse pas le temps. Il a cette manière étrange de fixer tes lèvres, ce drôle de culot qui fait qu'il glisse jusqu'à tes lèvres pour s'emparer de ta cigarette. Il est serieux ? Surprise, ton regard s'égare sur lui, sur ce visage qui bientôt disparaît dans la fumée. Et du coup ça se passe comment, il va te la rembourser ta cigarette ? Non, bien sûr que non. Alors tu te laisse glisser tu capot de la voiture, enfant amusée, te voilà qui joue au toboggan sur la carrosserie impeccable d'un type dont t'as oublié le nom. Ou alors il te l'a jamais dit. La vérité c'est que dans l'immédiat, tu t'en fiches, tu te plantes devant lui, fermant les yeux pour éviter le nuage toxique qu'il te balance au visage. Ca dure quelques secondes, mais t'espère que votre coopération nocturne s'est juste arrêtée a partager les sièges d'une voiture. Un homme capable de voler la cigarette d'une jeune femme innocente, c'est forcément un type mauvais, t'en es certaine. Pourtant, plantée devant lui, tu lui adresses un sourire avant de t'emparer a ton tour de la cigarette. Faudrait que vous pensiez a breveter la discipline, le relais de cigarette, ça peut être un truc à succès. Mais dans l'immédiat, du glisse de nouveau la cigarette entre tes lèvres avant de retourner t'asseoir sur le capot de la voiture. La place idéale en soit, une superbe vu sur la plage qui s'éveille tout juste, la possibilité d'arracher les essuies glaces pour te protéger s'il venait à t'agresser. Pourtant, tu sors de ta poche un paquet de cigarettes que tu fais glisser sur le capot jusqu'à lui. Tu sais ce que c'est ton problème Nim ? T'es trop naïve.

« C'est quoi ton prénom ? » Voilà prince charmant, c'est ça les bonnes manières. La vérité, c'est que tu te vois pas l'appeler Roméo, que tu te vois pas non plus lui demander comme ça si, éventuellement, il pourrait te rafraîchir la mémoire. Parce que les trous noirs, ça t'inquiète, que t'aime pas ça, ne pas te rappeler. T'aurais pu faire n'importe quoi, et voilà que ta tête te trahit. Elle l'a bien mérité, le mal  qui la tiraille. Finalement, tu te décides à descendre de la voiture. T'es fatiguée, et si tu veux pas t'endormir là sur le capot, faut que tu marches. Alors tu redresses ta veste contre toi, jette le megot dans une poubelle, et puis tu t'avance vers le bord de la plage sans oser franchir la barre du sable. Dans d'autres circonstances, tu serais bien aller voir la mer de plus près, parce qu'à la lumière de ce qu'il reste de la lune, c'est plutôt beau, et ça te semble moins dangereux. Mais les circonstances ne le permettent pas. « Tu pourras me poser dans le centre quand tu partiras ? » T'attends pas sa réponse que tu te retournes, les mains glissées tout au fond de tes poches. Il fait froid. « Ou alors on va boire un verre n'importe où. »