Quelqu’un a dit un jour que la mort n’es pas la pire chose dans la vie : le pire, c’est ce qui meure en nous quand on vit.

Nolan & Rome

Le boulot me prenait un temps fou. Non pas que cela me déplaisait bien au contraire. En réalité, je faisais même tout pour que mon job d’architecte me prenne tout mon temps. Ainsi cela m’évitait de me laisser aller à  des pensées morbides. Travailler pour ne pas penser, pour ne pas sentir ou ressentir quoique ce soit était devenu mon hobbit depuis ces trois dernières années. Ma vie professionnelle était aussi épanouissante que possible. J’avais tout ce qu’on pouvait demander, un boulot qui me plaisait, et surtout qui payait bien. J’aurai pu mettre n’importe qui à l’abri du besoin avec le salaire que j’avais… Oui n’importe qui… Sauf que la seule personne dont je n’avais jamais eu envie de prendre soin était morte. Morte sans que je ne puisse rien y faire.
Quand bien même. Je n’y étais pour rien, je culpabilisais terriblement pour cette disparition inattendue. Oui je m’en voulais. Comment avais je pu laisser la femme de ma vie périr si bêtement dans un accident de voiture. Pourquoi ne l’avais je pas retenue ce soir là ? Pourquoi ne l’avais je pas serrer tout contre moi pour l’empêcher de partir, pour la garder à jamais avec moi ? Tant de questions qui me torturaient l’esprit ces derniers temps. La date du décès d’Elyne approchant à grand pas, je ne pouvais m’empêcher de ruminer ces interrogations…

Soupirant, je passais ma main sur mon visage qui devait bien avoir pris quarante ans en à peine ving minutes… Posté derrière ma table de dessin, je regardais sans vraiment les voir, les derniers plans que j’avais dessinés pour une future villa près de la cote. Mon esprit étant bien loin de ses problèmes futiles, je savais qu’il ne me restait qu’une chose à faire pour me changer les idées. Laissant le travail commencé sur la table de dessin je décidais d’abandonner mon cabinet pour le reste de ma journée. Quand j’avais Elyne en tête, il était généralement impossible de parvenir à me concentrer sur autre chose. Attrapant ma veste légère, je quittais mon lieu de travail pour me retrouver sous la chaleur du soleil australien. En cette période de l’année, les rues n’étaient pas encore bondées de monde, ce que j’appréciais.
Marchant rapidement, connaissant cette ville par cœur puisque j’y avais grandi, je me dirigeais instinctivement vers le supermarché du coin afin de faire quelques emplettes. Rien de bien important, mais pourtant tout à fait essentiel pour que je puisse me changer les idées. Un pack de bière et trois pizzas plus tard, je ressortais du magasin, définitivement résolu à rejoindre le commissariat. Je ne comptais bien sur pas me bourrer la gueule à coup de bière devant les flics. Non je comptais dégager Rome de son bureau afin de pouvoir penser à autre chose qu’Elyne.

Rome était un ami de longue date et il avait été le premier à être présent sur le lieu de l’accident d’Elyne, résultat en plus d’être mon meilleur ami je savais que je pouvais compter sur lui à tout moment. Arrivant au niveau du commissariat, je poussais la porte et me dirigeait sans le moindre bonjour vers le bureau du blondinet. Sans prendre la peine de frapper, je balançais les pizzas et la bière sur son bureau. « Tu restes enfermé des journées entières ici, je me suis dit que t’aurai faim… et soif bien sur. ». J’avais évité le vieux cliché du flic qui s’empiffre de donuts bien que l’idée m’est traversée l’esprit un peu plutôt. En attendant je me dirigeais vers la seule fenêtre de son bureau afin de l’ouvrir. Ca sentait le fauve ici. Et puis j’avais envie de fumer. Tirant un paquet  de clope de ma veste, j’en sortis une, avant de lui tendre le paquet de façon à ce qu’il puisse se servir s’il le souhaitait. Allumant ensuite la cigarette, j’en tirais une bouffée avant de reprendre. « Alors quoi de neuf depuis le temps ? Tu travaillais sur quoi avant que je débarque comme un bourrin ? En supposant que tu bossais et que tu ne matais pas des films de cul sur ton PC bien sur… » lançais je amusé… J’avais bien fait de venir squatter cet endroit. Même si c’était bourré de flics que je supportais pas, au moins il y avait Rome. Et que vous le croyez ou non, pour moi, ça changeait tout.