« Madame Roseburry vous êtes enceinte de jumeaux, une fille et un garçon. Félicitations. » Le cœur des deux jeunes parents n’avait pas tardé de se remplir de joie à cette annonce. Au lieu d’avoir un enfant, une fille ou un garçon ils allaient avoir des jumeaux et en plus de cela ils allaient avoir les deux sexes en même temps. Ils ne pouvaient pas rêver mieux, ils étaient aux anges. Tout en gardant la tête à ses affaires et à l’entreprise internationale qu’il gérait Jake prit le temps d’être au côté de sa femme pour l’accompagner dans cette grossesse difficile. Si les premiers mois avaient été plutôt sympathiques, les derniers étaient longs et pénibles pour la jeune Ellah âgée d’à peine vingt-cinq ans. Le couple restait tout de même soudé, faisant face à toutes les épreuves. En même temps, Jake était un habitué, avec son emploi, il devait résoudre les problèmes, faire face aux épreuves et avec sa notoriété, il n’était pas rare qu’on s’en prenne à lui, ce n’était donc pas une épreuve familiale conduisant au bonheur qui allait lui faire peur. D’autant plus que même s’il était marié avec la mère de ses enfants, elle avait conservé son nom de famille pour être moins embêtée et ils avaient convenus ensemble que ce serait son nom de famille que porterait les enfants afin qu’ils soient eux aussi tranquilles. C’est un matin peu avant l’entrée de la jeune maman dans son huitième mois que les deux bébés pointèrent le bout de leur nez. Nate fut le premier à sortir et Norah le suivit de très près, ils avaient exactement trois minutes d’écart et pourtant physiquement ils étaient très différents. Norah était petite et peu lourde alors que Nate était plus grand et plus gros. Il avait tout pris, il avait trop mangé en laissant trop peu pour sa sœur. Cette différence n’était cependant pas un drame en soit, les deux bébés allaient bien et prirent la direction des couveuses. Au bout de trois semaines Nate en sortait pour rejoindre le nid familial remplit d’amour alors qu’il fallait attendre deux semaines de plus pour Norah. Mais lorsque tout le monde fut en bonne santé à la maison, les ennuis de l’accouchement et de réanimation furent complètement oubliés. Tout le monde prit son rythme de vie, Jake allégeant ses horaires de travail pour être auprès de ses enfants, réduisant au maximum ses voyages pour profiter de leurs premiers moments dans ce monde de brut alors qu’Ellah restait à la maison toute la journée avec eux pour les bichonner. C’est dans ce cocon que les deux enfants grandirent avec amour et passion même si avec leur évolution, Jake avait repris un rythme de travail normal.

    Alors que Norah n’avait pas encore trois ans, une attention toute particulièrement lui fut portée. La petite fille tombait très souvent malade, toussait beaucoup et digérait mal parfois. Cet état fut pendant plusieurs mois associés à son statut de prématuré, à sa fragilité lors de sa naissance en comparaison à Nate. Mais lorsque la petite fille tomba malade une énième fois lors de vacances en France de la famille et qu’elle fut auscultée par un autre médecin, celui-ci évoqua une maladie. En rentrant aux Etats Unis, les parents de la petite ne tardèrent pas à faire plus d’examen et le diagnostic rapide, l’hypothèse malheureuse du médecin français se révéla juste. Norah était atteinte de la mucoviscidose. La panique s’empara du couple qui fit alors diagnostiquer son jumeau mais n’ayant pas les symptômes de la maladie et se portant bien les parents ne s’en faisaient pas trop et ils avaient raison. Le petit jumeau de la blondinette n’était pas atteint de la maladie cependant il était tout de même porteur du gène. Ces nouvelles furent dures pour le couple qui était bien conscient qu’ils étaient responsables de cela, et l’un et l’autre, puisque pour que Norah ait la maladie il fallait qu’ils soient porteurs tous les deux. Cependant, ils décidèrent, une fois le choc passé, de rendre la vie de la petite fille la plus agréable possible, se souciant de la maladie qu’aux heures de soin qu’il ne fallait pas manquer. L’inquiétude régnait sur toute la famille mais les jeunes parents aimant que les Baker étaient, tentaient tant bien que mal de faire oublier ce problème à leurs enfants. Ce n’était pas tous les jours faciles encore plus à un âge où les enfants commencent à poser des questions.

« Dis maman Norah elle va pas mourir hein ? Je vais pas encore aller à l’école tout seul pas vrai ?» Les questions de Nate à propos de sa sœur n’allait que crescendo. La petite blonde parfois trop faible ou leur des épidémies restaient à la maison avec sa mère plutôt que d’aller à l’école pour éviter d’être trop exposé aux microbes qui avaient des effets plus poussés chez elle que chez les autres. Nate ne comprenait pas tout, à six ans, les deux enfants étaient encore trop petits pour comprendre qu’ils ne vieilliraient surement pas aussi longtemps que leurs parents avaient pu l’espérer pour eux ensemble. En effet, les médecins avaient donné une expérience de vie à Norah d’une vingtaine d’année au vue de la forme de la maladie qu’elle avait et de son avancée sur elle, sur son organisme. Nate se retrouverait surement seul dans la fleur de l’âge, dans ses plus belles années, des années qu’il ne pourrait surement pas partagé avec sa jumelle, une perte qui le détruirait à coup sûr. En effet, comme deux jumeaux qu’ils étaient, ils étaient inséparables, collés ensemble à chaque seconde, pensant la même chose sur chaque chose et ressentant ce que l’autre ressent. Dès leur plus jeune âge cette connexion unique qu’ont les jumeaux s’étaient faites ressentir entre eux et en grandissant, tous les faits, tous les actes qu’il se passait dans leur vie ne faisait que le confirmer. La seule chose sur laquelle ils étaient peut être légèrement différents étaient leur centre d’intérêt et quelques points de leur personnalité. Norah cartonnait en tête de classe, cherchait l’admiration de son père et voulait devenir comme lui alors que Nate, très bon à l’école, pensait parfois un peu trop à s’amuser et préférait l’attention de sa mère à l’admiration de son père, mais pour chacun l’attention de l’autre parent était très importante tout de même. Le cocon familial qu’ils formaient leurs était à tous les deux indispensables pour avancer, pour s’orienter, pour grandir, pour se former, Nate encourageant Norah à trouver la petite touche de folie qui étant en elle, Norah formant Nate à être n respectable enfant de bonne famille très bien élevé.

    Les années passèrent, les jumeaux grandirent et la maladie de Norah évolua. Les traitements se faisaient plus lourds, plus encombrant, plus gênant dans sa vie de tous les jours et pourtant la blondinette, soutenue encore et toujours par son frère parvint à passer toutes les épreuves de sa vie de lycéenne. Elle décrocha son diplôme avec brio en tant que première de sa promotion et pu intégrer une prestigieuse fac de New York pour faire du droit. Elle s’était toujours destinée à devenir avocate comme son père et elle espérait bien poursuivre son rêve même si elle savait que l’échéance que lui avait donnée les médecins s’approchaient de plus en plus et qu’elle ne pourrait surement pas aller jusqu’au bout de ses études. Légèrement pessimiste mais encouragée par Nate, elle se lança à corps perdu dans ses études alors que lui entrait en médecine pour sauver des vies à défaut de sauver celle de sa sœur comme il le disait souvent. La ténacité de la blondinette paya puisqu’elle termina première de sa promotion les deux premières années où elle fut à l’université. Sa troisième année, elle eut plus de mal à la passer. La maladie se dégradant à grand pas à l’aube de ses vingt et un ans, la demoiselle dut faire face à de nombreux stages à l’hôpital, de nombreuses absences à ses cours. Elle valida tout de même sa troisième année mais cette fois ci de justesse et se décida à prendre du repos pour pouvoir continuer. Peu feignante d’ordinaire, la blondinette stoppa nette son petit travail de serveuse au starbuck du coin qui lui permettait d’avoir un revenu pour elle et de ne pas profiter simplement de l’argent de ses parents et elle cessa aussi d’aller courir trois fois par semaine, ce qui entretenait son corps mais aussi un minimum ses poumons.

« Norah lève toi bordel ! Ça fait deux semaines que tu ne sors de cette chambre que pour te laver ça ne peut plus durer ! Je ne te laisserais pas partir comme ça ! » Nate, tout en parlant avait ouvert les volets de la chambre de sa sœur. La réponse qu’il espérait à sa secousse ne vint pas et s’approchant du lit de sa sœur il remarqua sa blancheur et l’humidité qu’il y avait sur son front alors que la jeune femme respirait très difficilement. Il ne tarda pas à se mettre à hurler d’appeler les pompiers ce que ses parents firent rapidement. Il avait bien vu l’état de sa sœur se dégrader de jours en jours mais il pensait que c’était simplement une petite rechute comme elle pouvait en faire régulièrement. Sauf qu’au bout de deux semaines, ne la voyant pas aller mieux il s’était inquiété et avait bien fait. Cela faisait maintenant près de six mois que l’état de la jeune femme avait valu son inscription sur les listes de donneur d’organes puisque ses poumons étaient plus que fatigués, étaient les plus touchés par la maladie mais elle n’était pas encore en tête de liste. L’argent de leur père ne suffisait pas à lui sauver la vie, il ne servait à rien et Ellah et Jake se sentaient des plus impuissants face à leur bébé qu’ils avaient toujours protégé du mieux qu’ils pouvaient sans l’empêcher de vivre. Ils s’y préparaient, leur petite fille parfaite, la sœur chérie de Nate allait partir. Son entrée à l’hôpital fut rapide et bien vite la famille eut la confirmation du pire : la maladie prenait le dessus et sans greffe dans un délai très réduit il fallait s’attendre au pire. La seule chose positive dite par les médecins à ce moment-là fut le fait que son état faisait monter Norah en tête de liste mais encore fallait-il qu’il y ait un donneur et un donneur compatible avec elle qui plus est. L’attente fut longue et désespérée voire désespérante. Nate passa ses journées, ses nuits, tout son temps auprès de sa sœur, ne voulant pas qu’elle soit seule au moment où elle partirait car oui pour elle elle allait partir. Et finalement ce fut après une nuit calme en apparence dans l’hôpital mais une nuit pendant laquelle la machine de Norah avait bippé un nombre de fois empêchant Nate de dormir plus de trente minutes de suite à cause de son cœur fatigué que la bonne nouvelle était arrivée. Le jumeau n’y croyant plus n’avait appelé ses parents pour leur dire de venir vite qu’une fois qu’elle avait été emmenée en salle d’opération. Il s’en était voulu un long moment pour ne pas les avoir appelé avant au cas où l’opération se passerait mal mais il n’avait pas voulu y penser.

    Après plusieurs heures d’opération, Norah était finalement sortie du bloc vivante. Les médecins avaient raconté le déroulement de l’opération n’oubliant pas de mentionner qu’elle était vraiment très faible lorsqu’ils l’avaient emmené et que son cœur s’était arrêté deux fois sur la table avant de repartir. Ils avaient précisé aussi que tout n’était pas encore gagné, ils ne pouvaient pas être sûrs que son organisme accepte la greffe, que tout se passe bien. Toute la famille croisait les doigts. Cependant, il était impossible de voir de net progrès sur l’état de la blonde puisqu’elle fut maintenue dans un coma artificielle pendant de longues semaines afin qu’elle ne se fatigue pas de trop, qu’elle n’épuise pas ses dernières forces pour lutter contre la greffe mais plutôt qu’au contraire son corps accepte doucement et surement la greffe et qu’elle n’ait plus qu’à se remettre en se réveillant. Si cela marchait ce serait une réelle nouvelle vie pour la jeune femme qui pourrait vivre presque normalement après des années de souffrance à cause de cette putain de maladie. Nate s’autorisait parfois à y penser mais il ne fut réellement content pour elle que lorsqu’il la vit se réveiller, qu’il la vit aller bien et reprendre goût à la vie. En quelques semaines après son réveil elle reprit une énergie débordante, plus qu’elle n’avait jamais eu depuis sa naissance. On aurait presque dit que l’opération avait complètement permis d’enlever la maladie mais non, la maladie était bien présente mais ses nouveaux poumons lui permettaient de vivre presque normalement, il fallait juste qu’elle se fasse surveiller. Cette nouvelle vie offerte à elle ainsi, cette nouvelle vitalité, envie de croquer la vie à pleines dents lui donna des ailes. Plusieurs mois après son entrée mourante dans ce lieu dans lequel son frère travaillait, étudiait, elle pouvait enfin sortir, respirer l’air pur à plein poumon. Ce fut le début d’une nouvelle vie mais aussi l’apparition d’une nouvelle Norah. Elle garda son côté très proche de sa famille et encore plus de son jumeau, elle garda aussi son côté très bon élève très studieuse même si elle ne retourna pas à la faculté tout de suite puisqu’elle prit deux ans pour elle, pour profiter, voyager avec son frère qui prit une année pour lui aussi, mais elle changea complètement sur son côté très sage. Elle devint fêtarde, profiteuse, croqueuse d’hommes n’ayant plus à se cacher et à cohabiter avec une maladie prenant trop de place. Nombreux de ses amis d’avant furent ceux qui ne la reconnaissaient pas. Nate ne la reconnu pas réellement au début non plus mais il ne put que l’encourager à être celle qu’elle voulait être alors qu’il avait toujours été celui qui l’était à faire sortir le brin de folie qu’elle avait en elle. Aujourd’hui, les rôles étaient inversés, elle était la folle qui l’entrainait dans des trucs fous, il était celui qui les résonnait tous les deux. L’équilibre était toujours parfait mais inversé.

Cette vie de débauche comme on peut la qualifier fut un secret entre Nate et Norah pendant plusieurs années qui trouvaient toujours à se couvrir. En même temps, ils n’avaient plus de comptes à rendre à leurs parents puisqu’à leurs vingt-deux ans ils avaient pris un appartement tous les deux dans le centre de la ville, près de tous les bars à ambiance mais aussi près des meilleures bibliothèques pour étudier. Ils étaient libres, adultes et responsables aux yeux de leurs parents. Norah aimait cultiver cette image de fille adorable, respectable et responsable dans les yeux de son père, même si sa vie avait beaucoup changé, elle voulait encore et toujours avoir l’admiration de son père. Qu’elle ne fut pas la déception de son père lorsqu’il découvrit sa fille complètement déchirée lors d’une soirée à moitié nue, embrassant un jeune homme peu fréquentable à pleine bouche sur internet. Sa première réaction fut d’appeler celui qui avait mis le cliché pour le faire enlever mais la seconde fut la résiliation du bail de l’appartement des jumeaux pour les faire revenir à la maison. Si Nate en voulu un peu à sa mère de ne pas s’opposer à son père il se résilia tout de même à reprendre la vie de famille. Norah sortait bien moins, lui avait plus de liberté mais ne voulait pas en profiter sans elle. Le peu de fois qu’elle sortait, ils camouflaient leurs identités à tous les deux pour ne pas que leur père voit sa réputation tâchée par leurs frasques. Norah connut même son premier amour, ses premiers moments avec des papillons dans le bas du ventre et fit confiance à un homme qui ne la méritait pas. Lorsqu’il l’eut eu pour une nuit, il stoppa toute relation avec elle pour passer à une autre. La blondinette fut déçue et triste mais reprit sa petite vie comme si de rien n’était. Cependant, un mois plus tard elle commença à avoir les premiers doutes, des doutes sur une chose qu’elle n’était pas censée avoir. Les personnes qui ont la mucoviscidose ont quatre-vingt-dix-neuf pourcent de chance, qui n’est pas une chance d’être stériles, et pourtant elle avait bien un retard dans ses règles. Ce retard se confirma pendant plusieurs longues semaines et Nate fut mis dans la confidence. Un test de grossesse confirma son état et les prises de sang prescrites par le médecin lui indiquèrent qu’elle était enceinte d’un peu plus de deux mois. Ce bébé tombé du ciel fut pour Norah un cadeau dans sa nouvelle vie et elle prit vite la décision de le garder. Son père serait contre elle le savait même si elle l’aimait plus que tout c’est pourquoi elle décida de le cacher. Un matin sa mère l’écouta vomir, puis ce fut le matin d’après et encore un autre. La blondinette fut dans l’obligation de révéler à sa mère son secret et celui de Nate qui la couvrait et l’aidait. Après un long sermon sur sa vie de débauche et ce bébé qui allait arriver sans père, elle accepta tout de même de couvrir sa fille à condition que tout le monde fasse comme si elle ne savait rien. Mais le ventre de Norah commença à s’arrondir et lorsque la jeune femme valida son semestre de cinquième année de droit en retrouvant la première place de la promotion, son père fier d’elle la serra dans ses bras et ne put que sentir ce ventre arrondi de quatre mois de grossesse qu’elle cachait sous un gros pull. Il découvrit donc tout fin février, au moment des résultats et n’accepta rien, allant presque même jusqu’à lui dire qu’elle était la honte de sa vie.

    Deux jours après cette découverte, Jake Baker, grand avocat de New York et associé des cabinets Baker&Mckenzie accueillait sa fille à la maison avec un grand sourire et un aller simple pour Sydney, ville dans laquelle il était sûr qu’elle se plairait, dans laquelle il avait imposé qu’elle ait un poste lorsqu’elle aurait terminé ses études pour devenir avocate dans le cabinet qu’il avait là bas et surtout ville assez loin pour que les frasques et le déshonneur de sa fille enceinte sans être mariée ne puisse pas venir entacher sa réputation. Norah n’avait rien pu faire pour aller contre cela, Nate non plus. Ellah n’avait pas réagi non plus elle s’était contentée d’embrasser sa fille avec amour les yeux pleins de larmes une dernière fois lorsqu’elle était montée dans l’avion et en avait fait de même avec son fils qui ne se voyait pas rester à New York alors que sa sœur jumelle partait à l’autre bout du monde, enceinte de quatre mois.

Les deux jeunes gens vivent maintenant dans le centre de Sydney tous les deux. Nate travaille à l’hôpital de la ville en même temps qu’il étudie et Norah étudie toujours le droit, faisant ses stages et travaillant l’été dans le cabinet de son père en ville tenu par un chef des plus sympathiques et avec une équipe complètement différente de celle de la grosse pomme. La jeune femme se plait énormément dans son nouvel environnement et envisage assez positivement l’arrivée de son futur bébé même si elle est complètement paniquée aussi à cette idée. Cependant, enceinte de six mois elle a encore le temps de se faire à cette idée.