Allongée sur le sable de la plage, j'ai les yeux à moitié clos. Il est près de dix-neuf heure, et il y a encore un peu de soleil et de gens sur la plage. J'entends le cri des gamins et le bruit des vagues, c'est génial. Moi, je suis là, allongée telle une baleine échouée. Quoique par amour pour les baleines, je dirais plutôt tel un morse. Un morse édenté, parce que en toute modestie, j'ai pas les mêmes attributs que cette bestiole. À part le gros cul, peut-être... Boarf. Je roule sur moi même pour me mettre sur le ventre et poser mon menton sur mes bras, juste afin de ne plus voir la plage. Même avec toute la mauvaise foi du monde je dois bien l'avouer, les plages de l'Australie sont des paradis sur Terre comparées à celle de Los Angeles. Mais rien à faire, je continue de détester cet endroit. Qu'est-ce que ma mère avait pu aller se chercher un type qui vit en Australie ? Déjà, qu'elle se sépare de mon père, c'était dur à avaler. Réaliser que mon frère ne viendrait pas vivre avec moi, c'était un deuxième coup dur. Mais changer de continent pour rejoindre la pauvre tâche qui sert d'amant à ma mère, sérieusement ?! Me traîner avec elle qui plus est ? Fallait pas déconner. Pourtant, j'ai eu beau tempêter, hurler, et menacer la terre entière, ça n'a pas eu raison de sa détermination. On a débarqué à Sydney telle des touristes. C'était pitoyable. Au moins autant que de voir ma mère se jeter dans les bras de son mec pour l'embrasser. Une scène pareille, c'est romantique dans les films, mais certainement pas quand il y a des gosses autour qui cherchent activement un mur contre lequel s'exploser la cervelle pour ne pas avoir à vivre ça. Comme si ce n'était pas assez, on était allé vivre chez lui. C'était un peu comme s'infiltrer chez des gens et prendre la place qui restait, devoir s'adapter à leur mode de vie et tout ce bordel. Même le sourire radieux de ma mère me donnait des envies de meurtre. Pas autant que son compagnon remarque. Autant de charisme qu'une huître, une haleine à en faire crever les mouches, une élégance de pachyderme, vraiment, c'était incompréhensible. Pire encore (à croire que cette ascension des éléments catastrophiques ne voulait pas s'arrêter), il y avait son fils. Encore aujourd'hui, ça avait de quoi me faire monter les cheveux sur la tête quand on le qualifiait de demi-frère. Demi rien du tout, demi portion, demi cerveau, à la rigueur, je voulais bien cautionner, pas le reste. Et quand je suis pas d'accord, je le manifeste.

D'accord, à première vue, c'est beau l'Australie, y a de jolis paysages. Mais il manque le mode de vie américain à mon goût. Et puis merde, il y a des bestioles horribles, comme des araignées mortelles de la taille d'une main ! Quand on fait une rencontre avec ces spécimens, on est obligé d'avoir la trouille ! J'avais essayé de me consoler avec les kangourous, sauf que cette sale bête avait développé un comportement étrangement agressif. Ça doit être que je suis américaine, les kangourous ont pas trop l'air d'aimer ça. Et puis c'est vachement plus touristique Sydney, c'est nul. Et puis je n'ai pas de raisons à donner pour haïr cet endroit, parce que les arguments manquent. Alors je me rabats sur ceux que je fréquente en adoptant le comportement le plus désagréable qui soit. On en revient à la question de savoir qu'est-ce que je fous allongée sur le sable. En réalité, c'est pas bien compliqué... ma mère a proposé un repas de famille, ce qui en revient à dire toute la famille de son mari. C'est pas la mienne, ça, non. Si je n'acceptais ni mon beau-père, ni mon demi-rien-du-tout, j'allais pas accepter le reste de la famille. Mais après ce discours, faut se méfier du courroux de la figure maternelle. En fait, il faut décamper à partir du moment où elle cite ton nom entier. Simple conseil de survie que j'ai appris au fil des années. Là, j'étais planquée. Au moment où je reviendrais, elle serait tout sourire, je pourrais m'enfermer dans ma chambre pour la soirée. Et une fois tous ces intrus partis, elle me hurlerait de venir dans le salon. Et là, je regretterais sincèrement que la fenêtre de ma chambre soit trop haute pour que je fuis par là. J'avais plus qu'à espérer que Robb arrive à la calmer, et c'était pas gagner. Il venait de débarquer à Sydney, ce con. Enfin, j'étais heureuse de pouvoir le voir plus souvent, il ne fallait pas s'y méprendre. Mais quelle idée de venir coincer ses fesses ici. Maintenant, mon principal argument pour retourner vivre à LA m'échappait. Je ne pouvais pas demander à la rejoindre s'il habitait à deux rues de là... J'émis un bref couinement à cette idée, avant de relever la tête. Fallait que j'affronte mon destin, ainsi que la colère de la dragonne. Vie injuste.